Le 24 septembre, nous célébrons la Journée mondiale du migrant et du réfugié. Cette année, le Saint-Père a axé son message(3) sur le droit de chaque personne à choisir de partir ou de rester, dans le plein respect de sa dignité humaine et de ses droits fondamentaux. Ces principes directeurs, enracinés dans l'enseignement social de l'Église, ainsi que les quatre verbes du pape François - accueillir, intégrer, protéger et promouvoir-, guident notre action et notre engagement quotidien en faveur des communautés et des personnes en situation de mobilité.
L'augmentation impressionnante des déplacements forcés au cours des dernières décennies illustre à quel point ces droits sont systématiquement bafoués. Selon le rapport annuel 2023 du HCR retraçant les grandes tendances mondiales concernant les déplacements forcés, au fil de l’année 2022, 108,4 millions de personnes ont été déracinées de force de leur terre en raison de persécutions, de conflits, de violences, de violations des droits humains et d'autres événements, soit une augmentation de 21%. Dans les pays touchés par les conflits et chez leurs voisins, les populations vivent pendant des années dans des conditions précaires, la plupart d'entre elles vivant dans des camps de réfugiés, souvent séparées de leurs proches et sans perspectives d’avenir, à cause de l'absence d’une résolution politique des conflits. Dans ce contexte difficile, il est essentiel de s'attaquer aux causes profondes des déplacements et de rechercher des solutions durables(4) , afin d'apporter une réponse fondée sur les droits et à long terme, au droit légitime de chaque personne à mener une vie digne.
La détresse de tant d'hommes, de femmes et d'enfants nous oblige à agir pour transformer les structures sociales et politiques qui sont à l’origine de leur lutte pour la survie et leur mise à l’écart. Cela doit également appeler également les décideurs et autres acteurs à recentrer les politiques étatiques et la prise en charge des communautés sur l'accueil, la protection, la promotion et la pleine intégration des personnes en situation de mobilité dans les sociétés d'accueil. Il est important de reconnaître la générosité avec laquelle de nombreux pays du Sud accueillent, hébergent et aident la grande majorité des personnes en situation de mobilité, malgré les défis économiques et de développement auxquels ils sont déjà confrontés. Le droit d’émigrer signifie que chacun est prêt à comprendre, à accompagner avec empathie et à soutenir les personnes qui quittent leur foyer et leur terre. Comme Jésus lui-même, qui s'est identifié aux laissés-pour-compte et a accueilli ceux qui donnaient à manger aux affamés, à boire aux assoiffés, un toit et un accueil aux migrants (cf. Mt 25, 35-36), nous sommes appelés à respecter inconditionnellement la dignité de ceux qui partent, bien souvent contre leur volonté.
Le droit de rester dans son propre pays signifie que les conditions sociales, de travail et de développement humain sont garanties pour les personnes dans leur lieu d'origine. Il implique un engagement multipartite et constitue une expression claire de la justice sociale. Malheureusement, « le droit de rester, de ne pas migrer » n’a pas encore été codifié dans les législations nationales et de nombreux exemples illustrent à quel point il est bafoué.
En Amérique Latine y aux Caraïbes, les activités minières non réglementées, nationales et multinationales, souvent soutenues par l'État lui-même, menacent l'habitat et chassent les communautés indigènes de leurs terres ancestrales. En outre, la mauvaise gestion des gouvernements et les politiques économiques creusant le fossé entre riches et pauvres ont entraîné une baisse des revenus, une augmentation du chômage et du taux de pauvreté dans plusieurs pays de la région. En Afrique, aux confins du Sahara, l'insécurité généralisée liée aux conflits et aux menaces terroristes, couplée à l'impact du changement climatique et à l'insécurité alimentaire, pousse les populations à l'errance, sans perspective de trouver refuge dans un autre territoire prêt à les accueillir sur le long terme. Le Moyen Orient - la Syrie et le Yémen en particulier - est au centre d'intérêts géopolitiques qui alimentent les conflits et empêchent des chemins de paix ainsi que le retour en toute sécurité des personnes réfugiées et déplacées dans leurs foyers. En Asie, l'absence d'action climatique audacieuse de la part de la communauté internationale, en particulier des principaux pollueurs, et les activités humaines prédatrices, notamment l'exploitation minière et d'autres projets de développement à grande échelle menés sans consultation des communautés locales, ont augmenté le nombre et l'intensité des phénomènes climatiques extrêmes, rapides ou lents, et entraîné une dégradation généralisée de l'environnement. Dans les îles du Pacifique Sud, le changement climatique a entraîné l'élévation du niveau de la mer et le réchauffement des océans, et donc l'érosion côtière et la disparition d'îles. Les populations côtières ont été contraintes de quitter leurs foyers, perdant leurs terres, leurs moyens de subsistance et leur patrimoine culturel ancestral.
Cette Journée mondiale du migrant et du réfugié 2023 est donc l'occasion de repenser nos modèles de développement qui ne sont pas durables, et de construire une nouvelle architecture de paix. Comme le rappelle le Saint-Père dans son message,
Les migrants fuient la pauvreté, la peur, le désespoir. Pour éliminer ces causes et mettre fin aux migrations forcées, nous avons besoin de l’engagement commun de tous, chacun selon ses responsabilités . Un engagement qui commence par le fait de se demander ce que nous pouvons faire, mais aussi ce que nous devons cesser de faire. Nous devons nous efforcer de mettre fin à la course aux armements, au colonialisme économique, au pillage des ressources des autres, à la dévastation de notre maison commune.
Par leur travail quotidien auprès des personnes migrantes et réfugiées, nos organisations et nos réseaux contribuent à faire du choix de rester ou de partir des personnes en situation de vulnérabilité une réalité. À cette fin, nous appelons les gouvernements à s'attaquer aux facteurs complexes et aux causes profondes de la migration de plus en plus forcée d'aujourd'hui en mettant en œuvre des politiques économiques plus équitables, en réduisant les déséquilibres et les inégalités sociales, en encourageant les processus de paix et en promouvant des politiques de développement durable sur le plan environnemental.
(1) RED CLAMOR est un réseau qui, lié au CELAM, coordonne et soutient le travail pastoral des organisations de l'Église catholique en Amérique latine et dans les Caraïbes qui accueillent, protègent, promeuvent et intègrent les migrants, les personnes déplacées, les réfugiés et les victimes de la traite. Plusieurs Caritas, congrégations (Jésuites, Scalabriniens, etc.) et organisations ecclésiastiques en sont membres. (2) Le Réseau Afrique-Europe pour la Mobilité Humaine (RAEMH) est une initiative interrégionale inspirée par les principes de l'Eglise catholique. Implantés dans de nombreux pays d'Afrique de l'Ouest, d'Afrique du Nord et d'Europe du Sud, les membres du RAEMH s'efforcent de répondre de manière inconditionnelle aux différents besoins des personnes en situation de mobilité : sociaux, sanitaires, psychologiques, éducatifs. (3) Message du Pape François pour la 109ème Journée mondiale du migrant et du réfugié 2023, (4) A l'occasion de la 109ème Journée mondiale du migrant et du réfugié, Caritas Internationalis, RED CLAMOR et le réseau RAEMH ont organisé un événement virtuel sur les "Solutions durables aux déplacements transfrontaliers". Des informations sont disponibles sur le site web de Caritas Internationalis ( https://www.caritas.va)