Du 25 au 30 novembre 2024, le Réseau Afrique Europe pour la Mobilité Humaine (RAEMH) a organisé une immersion professionnelle inter-membres en Côte d'Ivoire. Cet événement a réuni, en plus de l’équipe de la Caritas Côte d’Ivoire, deux autres organisations membres : la Délégation Diocésaine des Migrations (DDM) du Maroc et la Caritas Mopti, représentée par la Maison du Migrant de Gao au Mali.
Sous l'impulsion de Caritas Côte d'Ivoire, qui a joué le rôle de fil conducteur de ce voyage, ce cadre d'échange visait notamment à approfondir la réflexion sur les enjeux liés au retour des personnes en migration vers leur pays d’origine, une question qui concerne les 3 organisations membres qui ont fait partie de la mission.
Les localités d’Abidjan, Yamoussoukro et Touba, région du Bafing (nord-ouest de la Côte d’Ivoire) ont été les points de chutes de cette délégation du RAEMH pour toucher du doigt les réalités de la question migratoire dans le pays du cacao et du café.
ABIDJAN : UN CARREFOUR DES DYNAMIQUES MIGRATOIRES
L'immersion a débuté dans la capitale économique ivoirienne, Abidjan. Les journées ont été marquées par des présentations institutionnelles et des échanges enrichissants. Caritas Côte d'Ivoire a ouvert le bal en partageant son expérience dans l'accompagnement des personnes en situation de mobilité. À travers ses programmes, l'organisation travaille à la réintégration socio-économique des personnes de retour, à l'appui psychologique pour les familles affectées par la migration et à la prévention de la migration irrégulière. Une attention particulière a été accordée aux projets générateurs de revenus qui offrent des alternatives viables aux personnes jeunes qui aspirent à émigrer, et à ceux et celles qui sont de retour.
Les échanges avec Catholic Relief Services (CRS) ont permis de mieux comprendre leur collaboration avec Caritas Côte d'Ivoire. CRS soutient notamment des initiatives d’assistance aux personnes réfugiées et déplacées internes, en finançant des projets adaptés aux besoins locaux et en renforçant les capacités des acteurs sur le terrain à travers Caritas Cote d’Ivoire.
L'étape d'Abidjan a également été l'occasion de rencontrer deux organisations actives dans la société civile ivoirienne : la Convention de la Société Civile Ivoirienne (CSCI) et la Fondation AVSI (Association des Volontaires pour le Service International), une association d'origine italienne. Ces structures jouent un rôle crucial dans la sensibilisation des jeunes sur les questions migratoires et dans l'accompagnement des personnes de retour. La CSCI, en tant que plateforme regroupant diverses organisations, s'est illustrée par son plaidoyer en faveur de politiques inclusives et protectrices. De son côté, AVSI, forte de son expertise internationale, s'est distinguée par la création d'opportunités économiques pour les personnes de retour et les communautés vulnérables.
La délégation du RAEMH a aussi eu l’occasion d’échanger directement avec des personnes de retour, ainsi qu’avec des personnes qui ont un projet migratoire en tête. Ces discussions ont permis de mieux comprendre les réalités complexes des trajectoires migratoires : les motivations au départ, les défis rencontrés durant le voyage, les obstacles à la réintégration, mais aussi certaines réussites.
À YAMOUSSOUKRO, L'ÉGLISE EN ACTION POUR LES MIGRANTS
Le 27 novembre, la délégation s'est rendue à Yamoussoukro, capitale politique et administrative de la Côte d'Ivoire. Ce déplacement a permis de mettre en lumière le rôle clé de l'Église catholique dans l'accompagnement des personnes en mobilité. La Caritas diocésaine de Yamoussoukro a présenté ses activités, qui vont de l'accueil, à la réintégration sociale et économique. Cette visite a aussi été l'occasion d'échanger avec le secrétaire exécutif diocésain de la pastorale sociale, qui a réaffirmé l'engagement de l'Église à accompagner les personnes les plus vulnérables, en s'appuyant sur des principes de dignité humaine et de justice sociale.
Les participants ont pu découvrir plusieurs initiatives menées localement, notamment les programmes d'assistance aux femmes migrantes en situation de vulnérabilité et les formations professionnelles destinées aux jeunes. Ces actions, soutenues par un réseau de partenaires locaux et internationaux, incarnent une approche intégrée et solidaire de la gestion des mobilités humaines.
TOUBA, LA VOIX DES JEUNES EN MILIEU RURAL
Le 29 novembre, la délégation a poursuivi son immersion dans la préfecture de Touba, région du Bafing au nord-ouest de la Côte d'Ivoire. Cette étape a permis de mettre en lumière les efforts d'une ONG locale, ‘’ Life On Land ’’ , une initiative portée par Kader Bamba, qui a lui-même eu un parcours migratoire en dehors de la Côte d’Ivoire et qui œuvre, depuis son retour, à la sensibilisation des jeunes en milieu rural sur les questions liées à l’émigration.
Les participants ont visité une exploitation agricole où des jeunes, accompagnés par l'ONG Life on land, s'investissent dans des activités productives. Cette initiative vise à offrir des alternatives économiques aux jeunes, tout en leur montrant les opportunités qui existent dans leur localité.
Un moment fort a été la visite de la localité de Koonan , située à 45 km de Touba, où la délégation a rencontré des personnes qui avaient quitté leur région, mais qui sont ensuite rentrées en Côte d’Ivoire. Ces dernières ont partagé leurs expériences de migration et de retour volontaire, mais aussi de retour forcé. Dans ce village, un jeune s’est engagé, depuis son retour, dans la création de contenus sur les réseaux sociaux pour sensibiliser ses paires sur le parcours migratoire.
Les témoignages ont souligné les défis économiques, sociaux et psychologiques liés à la réintégration, mais aussi les opportunités offertes par les programmes d'accompagnement. Ces échanges ont permis aux participants de mieux appréhender les facteurs qui influencent les décisions au moment de partir, mais aussi de revenir.
ENSEIGNEMENTS CLÉS DE L'IMMERSION
L'immersion professionnelle inter-membres a permis de tirer des enseignements précieux sur les approches locales et régionales de la gestion des migrations :
1. UNE APPROCHE INTÉGRÉE ET MULTISECTORIELLE EST ESSENTIELLE :
Les initiatives enregistrées en Côte d'Ivoire démontrent l'importance de combiner assistance directe, sensibilisation communautaire et plaidoyer politique pour répondre efficacement aux défis posés par les migrations, notamment pour la réinsertion des personnes migrantes, par des activités génératrices de revenus.
2. UN ENGAGEMENT RENOUVELÉ POUR L'AVENIR :
Cette immersion professionnelle a renforcé les synergies entre les membres du RAEMH, et a ouvert des perspectives pour des collaborations futures, visant à améliorer les conditions de retour et de réintégration, et à prévenir les départs à risques.
Le RAEMH réaffirme son engagement à promouvoir des solutions durables et solidaires pour les mobilités humaines, en s'appuyant sur les valeurs de dignité, de justice et de fraternité. L'exemple ivoirien illustre ce que des efforts coordonnés peuvent accomplir dans la quête de solutions durables pour une mobilité respectueuse des droits humains.
Joel CELIA , Chargé de communication du Réseau Afrique Europe pour la Mobilité Humaine.