#Célébrons le 08 mars - Journée internationale des droits des femmes # Être une femme migrante à Gao

07 mars 2024

Le 8 mars est un moment opportun pour dénoncer les discriminations, les inégalités et les violences vécues par les femmes en mobilité dans les pays de transit et d’installation.



Actualités
Caritas Mali


Article rédigé par l’équipe de la Maison du Migrant de Gao – Caritas Mopti, Caritas Mali.

 

 

Profil et conditions des femmes migrantes dans le Sahel

La plupart des femmes migrantes dans la région du Sahel sont des chefs de famille, des jeunes filles victimes de traite, et des jeunes filles non accompagnées. Dans de rares cas, des femmes accompagnées de leurs maris sont également vues en train de traverser la région.

Les femmes rencontrées par la Maison du Migrant à Gao ont pour la plupart entre 16 et 32 ans, naviguant sur les routes migratoires difficiles en direction du Maghreb, et ensuite vers l’Europe à la recherche d’une vie meilleure. Certaines d’entre elles sont accompagnées de leurs enfants; nombreuses sont celles qui ont été rejetées par leurs maris.

 

Les motivations qui poussent les femmes migrantes à emprunter les chemins périlleux du Sahel.

En 2023, la Maison du Migrant de Gao a constaté une forte présence de femmes chefs de famille. Ces femmes expliquent souvent le départ de leur pays d’origine pour des raisons économiques, mais des cas d’abus sont également signalés. Plusieurs jeunes filles de Guinée, du Niger, de Côte d’Ivoire et du Nigeria ont signalé les violences qu’elles subissent dans leurs communautés et leurs foyers. Les femmes du Bénin et du Togo, en particulier, mentionnent l’irresponsabilité de leurs maris qui ne subviennent pas aux besoins du ménage et des enfants. Malgré leurs efforts pour joindre les deux bouts, certaines sont contraintes d’émigrer à Gao à la recherche d’un travail pour subvenir aux besoins de leurs enfants, tandis que d’autres continuent vers l’Algérie et l’Europe pour de meilleures opportunités. C’est principalement le cas chez les femmes d’Afrique centrale et certaines d’Afrique de l’Ouest, en particulier de la Côte d’Ivoire, du Sénégal, de la Guinée et du Nigéria.

 

Les difficultés auxquelles les femmes en mobilité dans la région de Gao font et les dangers auxquels elles se heurtent pendant le voyage.

Les témoignages de victimes de traite sont récurrents. Il arrive souvent que ces femmes et jeunes filles arrivent à Gao sans toutefois s’y attendre, car elles ont été trompées par des personnes qui leur promettent l’Europe et des métiers décents, notamment dans les secteurs de la cuisine, de la coiffure, du commerce. Arrivées à Gao, elles réalisent qu'elles ont été piégées, et sont exploitées dans des maisons closes sous la coupe des trafiquants et de leurs complices. Ces réseaux s'étendent jusqu'au Maghreb et à l'Europe, opérant de manière très organisée et traversant Gao sans rencontrer de résistance. Les conditions diplomatiques et l'insécurité croissante au Mali et dans le Sahel exacerbent ce fléau qui cause d'immenses souffrances à ces femmes migrantes vulnérables, soulignant ainsi l'importance du soutien qui leur est dû.

Entre fin 2023 et début janvier 2024, l’équipe de la Maison du Migrant de Gao a constaté une augmentation significative des enlèvements, ce qui représente un nouveau défi majeur pour les femmes migrantes.

Avant cette période et jusqu’à aujourd’hui, les femmes migrantes ont toujours été confrontées à des difficultés économiques, à l’exploitation sexuelle, à la violence par les hommes armés non étatiques. Lorsqu’elles voyagent, elles manquent souvent du soutien nécessaire pour faciliter leur transport.

Un autre problème identifié concerne l’accès aux soins de santé et à la prise en charge physiologique de leurs enfants. Le manque d’accès à l’information est également à souligner. Autant d’éléments qui augmentent le niveau de vulnérabilité de ces femmes.

 

Quelles conséquences sur les femmes en mobilité ?

De nombreuses femmes migrantes de Gao, approchées par les agents de la Maison du Migrant, partagent leurs stratégies pour surmonter les défis auxquels elles sont confrontées. La plupart d’entre elles sont forcées de se prostituer pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille et poursuivre leur voyage. Certaines essayent des emplois dans la restauration, la coiffure et le commerce, mais elles rencontrent des contraintes financières pour se lancer. D’autres développent des problèmes de santé mentale en raison de l’adversité et des conditions difficiles.

 

Pauline, coiffeuse béninoise maintenant basée à Gao, a partagé avec nous les défis qu’elle a rencontrés lors de son voyage jusqu’à Gao et les difficultés qu’elle a endurées à son arrivée.

 « En arrivant à Gao, j’avais l’intention de continuer vers l’Europe, mais je n’avais pas les moyens de le faire. J’ai été obligée de travailler comme serveuse dans un maquis, ce qui était extrêmement difficile pour moi. Les hommes me pelotaient, d’autres essayaient de profiter de moi. C’était très stressant et je voulais abandonner et rentrer chez moi. Cependant, mes ambitions et les difficultés de mon pays m’ont poussées à continuer. J’ai envisagé d’aller en Algérie, mais entendre parler des expériences des autres (les agressions, les accidents et les refoulements) m’ont découragé. J’ai décidé de continuer à me battre, et heureusement, j’ai eu mon travail de coiffeuse grâce au soutien de la Maison du Migrant, qui continue à me fournir des conseils. Je suis reconnaissante pour tout ce que la Maison du Migrant de Gao fait pour nous, les femmes étrangères de Gao. Mon message à toutes les femmes migrantes est de rester fortes et de toujours recueillir des informations avant de se lancer dans le voyage à travers la route. Il y a beaucoup de dangers. Aux communautés internationales, je vous prie de soutenir les femmes migrantes. Nous souffrons beaucoup et nous sommes exposées à beaucoup d’abus ».

 

Le 08 Mars est une occasion essentielle pour les femmes de partager leurs opinions sur les actions requises pour leur épanouissement. C'est le moment idéal pour suggérer des solutions visant à améliorer la situation de toutes.

Il est essentiel que les organisations accordent la priorité à la fourniture d’un soutien psychologique aux femmes migrantes afin de prévenir les comportements « à risque » ou les maladies mentales. Certaines femmes, aux prises avec des difficultés, tombent malades et perdent la vie, souvent en raison d’un accès limité aux soins de santé. Il est nécessaire de mettre en place des programmes de soutien médical dans les centres de santé et les hôpitaux afin d’améliorer l’accès des femmes migrantes et d’éviter des pertes de vie humaines. Les efforts des d’organisations comme la Maison du Migrant de Gao ne suffisent pas à soutenir adéquatement ces femmes. Car ces structures font parfois face à des problèmes de moyens financiers limités. Une action concertée entre toutes les parties prenantes est cruciale pour améliorer le soutien aux femmes en transit et établies à Gao.

 

La Maison du Migrant de Gao célèbre la journée internationale des droits des femmes (migrantes) sous le thème : « La femme, la transformation sociale et la cohésion sociale »

A l’occasion du 8 mars 2024, la maison du migrant de Gao organise un débat avec des femmes migrantes et des collectivités locales pour promouvoir les groupes parlementaires de femmes à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Cette activité vise à soutenir les femmes migrantes, qu’elles soient installées ou simplement de passage à Gao, en les informant sur la situation des femmes migrantes, en participant à des activités locales liées à la migration, à la paix et à la cohésion sociale, et en saisissant les opportunités économiques à Gao pour naviguer et éviter les emplois abusifs.

La rencontre réunira des femmes migrantes et celles des collectivités de Gao, une conseillère municipale de la commune urbaine de Gao, pour les informer sur le rôle, les devoirs et la position des femmes dans la société de Gao. Elles seront sensibilisées à l’importance de créer des associations pour défendre et faire respecter leurs droits.